J-13 : Le Concorde prend la mer

Le Grande Francia embarque notre motorhome pour un voyage de 30 jours sur les mers.
Du 11 juin au 15 juillet 2019
5 semaines
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C'est une courte phrase. Seulement quelques mots. Presque un message codé. Pourtant, il représente des mois de travail et l'aboutissement d'une étape importante de notre voyage.

Ce message Whatsapp, un mélange d'anglais et de néerlandais, il nous a été envoyé par Steven, de Belgaco Shipping, le transitaire qui est chargé de transférer notre motorhome sur le Grande Francia, un cargo de la Compagnie Grimaldi, transporteur de conteneurs (trop petits pour y faire entrer notre motorhome) et de véhicules Roll On - Roll Off (RoRo pour les initiés, c'est-à-dire qu'on monte et on descend les véhicules en roulant). Il fait plusieurs centaines de mètres de long et arpente les mers entre l'Europe, l'Afrique et l'Amérique.

"De Unit", c'est notre Concorde, notre motorhome. Cette fois-ci, çà y est, il est en route pour les Amériques. Il n'y va pas en ligne droite : après Anvers, il remonte vers Hambourg (Allemagne), Tilbury (Royaume-Uni) puis prend le cap au Sud, jusque Bilbao (Espagne) et Freetown (Sierra Leone), avant de mettre le cap à l'ouest, vers le Brésil. Il descend ensuite vers l'Argentine, et enfin l'Uruguay, où nous l'attendrons à Montevideo le 15 juillet prochain.

Le Grande Francia 

Pour embarquer un véhicule dans un bateau, il faut passer par un intermédiaire, qu'on appelle le transitaire. Il est chargé d'effectuer toutes les démarches nécessaires à l'embarquement.


Belgaco est une société belge, basée à Anvers. Pourquoi l'avoir choisie ? Parce qu'ils sont belges et moins chers que les autres (3000 EUR, soit entre 250 et 500 EUR de différence). Un choix que nous n'avons jamais regretté. La disponibilité et la gentillesse de Steven, les réponses qu'il a donné à toutes nos questions (et il y en avait un paquet !) ont été des partenaires précieux quand on effectue ce genre de démarches pour la première fois.


Si on devait le refaire, c'est avec eux qu'on le referait !


Belgaco Shipping

Steven Van Buynderen

shipping@belgaco.be

https://www.belgaco-shipping.com/roro

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Partir pour une période aussi longue, dans une région aussi éloignée, avec un itinéraire aussi varié... cela demande de la préparation. Beaucoup de préparation. La liste des choses à faire est longue et parfois fastidieuse. Dans les mois qui précèdent le départ, la liste s'allonge plus vite qu'elle ne se raccourcit. On coche une case, mais on en rajoute 5.

On n'est pas loin du marathon ou d'une course à étapes. C'est un peu comme le Tour de France (ça tombe bien, c'est de saison !). On n'est pas des athlètes, mais on doit garder le cap. Il faut tenir sur la durée, en continuant de fixer la ligne d'arrivée pour ne pas se décourager. Il y a des moments de doute, il y a des moments d'émotions, il y a des moments de fatigue. Heureusement, à chaque fois, il y a des encouragements et des victoires qui nous permettent d'avancer.

Le Concorde qui prend la mer, c'est probablement la plus belle victoire que nous ayons engrangée. Un peu comme un cycliste qui arrive en haut du Mont Ventoux et qui, en même temps, prend le maillot jaune. C'est pour ce genre de victoire qu'on fait ce genre de voyage. Même si la ligne d'arrivée finale n'est pas encore franchie...

Mais, depuis ce jour, la liste des tâches se réduit à une dizaine de lignes. Et quand une case est cochée, aucune autre ne vient s'y ajouter... Çà donne le moral et on se dit qu'on y est presque...

Grapy avec sa salopette : dernière réparation avant le départ... 
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Le bateau n'est pas aussi ponctuel que l'avion. En fonction de la météo, des avaries ou des contraintes commerciales, il peut prendre plusieurs jours de retard ou d'avance sur son itinéraire. Nous avions planifié un départ sur le Grande Amburgo à Anvers le 24 mai et une arrivée à Montevideo le 3 juillet. Parfait pour nous, qui avions réservé des billets d'avion pour Buenos Aires le 24 juin. Cela nous laissait une semaine pour visiter la capitale argentine, traverser le Rio de la Plata et récupérer le Concorde à Montevideo. Çà se goupillait à merveille. C'était trop facile...

Mais la date du Grande Amburgo a commencé à bouger. Son arrivée a été avancée au 27 juin. Aiie ! Cela réduit notre temps pour visiter Buenos Aires, mais ça reste faisable. Pas confortable, mais jouable. Ensuite, le 25 juin a été annoncé ! C'est devenu simplement impossible, puisque c'est le jour où on atterrit à Buenos Aires.

Nous avons donc décidé de postposer le départ du Concorde. Le Grande Francia passait par Anvers le 12 juin et arrivait à Montevideo le 14 juillet. Nous pouvions donc profiter de deux semaines de vacances à Buenos Aires. Finalement, la solution est encore meilleure : pouvoir se "pauser" un peu avant de partir sur les routes, cela va nous faire du bien après la frénésie du départ !

Bien sûr, les dates du Grande Francia ont aussi bougé. Jusque 3 jours avant le départ, quand Steven me contacte : "Salut Ludo, tu dois venir demain à Anvers, le bateau est en avance !". Vent de panique ! Je passe les détails, mais on a pu négocier de laisser passer le week-end pour pouvoir terminer de le charger. Finalement, on était prêt !

Mais ce n'est pas parce que le motorhome est déposé au terminal du port d'Anvers qu'il est sur le bateau...

 Passage de contrôle au port d’Anvers.  Voilà, c'est parti ! Il reviendra dans 16 mois...
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Quelques semaines avant notre départ, le Grande America a fait naufrage au large des côtes bretonnes, victime d'un incendie à bord. Le Grande America, c'est le frère du Grande Francia : même compagnie, même liaisons, mêmes dimensions... notre motorhome aurait très bien pu se trouver à bord quand il a coulé. D'autres familles qui, comme nous, ont embarqué leur motorhome, ont perdu tous leurs rêves dans l'Atlantique. Une catastrophe...

Bon, il faut être honnête, statistiquement, il y a peu de chances pour que cela arrive aussi au Grande Francia. On l'espère...

Mais les règles de sécurité ont été renforcées : bonbonnes de gaz interdites, accès obligatoire à l’entièreté du véhicule, etc. Des mesures parfois floues ou contradictoires, pas faciles à gérer au moment de charger les soutes du Concorde.

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Le port d'Anvers est immense. Un des plus grands ports du monde. Le terminal de Grimaldi est plus qu'impressionnant : un ballet incessant de camions chargés de voitures neuves ou usagées rythme l'entrée d'un immense parking, ou des milliers de voitures attendent d'être embarquées à destination des ports du monde entier.

Antwerp Euro Terminal : le plus grand terminal d'Europe 

Contrairement à ce qui avait été annoncé, les démarches sont assez faciles : un peu d'administration à un guichet, un peu d'attente au poste de contrôle et le motorhome est garé sur le parking, entre une Porsche Carrera noire et un bulldozer jaune de Caterpillar.

Aucun contrôle, aucune question. Bon, tant mieux si c'est si facile.

Un dernier au revoir au Concorde, un dernier tour pour voir que tout est sous clé (sauf le poste de conduite, puisqu'il faut rouler sur le bateau)... et nous abandonnons le Concorde, les clés sur le contact, seul au milieu de tous.

De retour à la maison, une longue attente commence. Les heures défilent. Sur Vesselfinder, on voit que le Grande Francia est arrivé à Anvers. On suppose qu'il charge sa cargaison. Puis il s'en va et reprend la mer en direction d'Hambourg.

Et le Concorde ? Est-il à bord ? N'est-il pas resté à quai, comme cela a été le cas pour une poignée de motorhomes il y a quelques semaines ? Une sombre histoire de bonbonnes de gaz et d'un capitaine qui a refusé de les embarquer...

Un jour passe depuis le départ du bateau. Steven n'a pas encore de confirmation. Deux jours plus tard, c'est la délivrance : "Hey Ludo, de Unit is aan boord !". Oufff... on peut cocher une grosse case sur notre liste...

La position du bateau en temps réel  sur Vesselfinder