Notre arrivée au Machu Picchu est probablement un des souvenirs les plus importants du Pérou. Il y a peu de touristes à cette période de l'année et encore moins à cette heure de la journée. Et pour cause, la météo est tout sauf engageante. D'emblée, on se dit que découvrir le Machu Picchu sous un soleil radieux serait génial. Ce ne sera pas pour aujourd'hui. Il pleut, il y a du vent et les montagnes sont recouvertes d'une brume épaisse.
C'est ce brouillard qui reste dans nos mémoires. Nous avançons dans des nuages et la visibilité est quasi nulle. On progresse en s'enfonçant dans les ténèbres. Malgré les autres touristes déjà présents dans la cité inca, on ne les voit pas. Nous sommes seuls dans notre exploration. La brume nous mouille et nous contraint à avancer à l'aveuglette. L'atmosphère est cotonneuse. Pas un bruit, pas un son. Et puis un nuage passe, dévoilant un pan de la montagne. Des terrasses agricoles et quelques constructions apparaissent dans une trouée, qui se referme rapidement. Une autre trouée dans les nuages passe. Une autre partie du site se découvre. C'est cela qui reste dans nos mémoires : ce moment magique où l'on découvre, morceaux par morceaux, nuage après nuage, le point de vue sur la cité perdue des incas. On a l'impression d'être dans les traces d'Hiram Bingham il y a plus d'un siècle ou dans "Les mystérieuses cités d'or", en compagnie d'Esteban, Zia et Tao.
Finalement, nous tombons tous d'accord. Quelle incroyable chance nous avons eue de découvrir ce trésor sous les nuages !
Nous progressons dans le secteur agricole de la ville. Le sentier escalade encore un peu plus la montagne avant d'arriver à la maison du gardien, qui surplombe la montagne. Nous prenons de la hauteur et la vue n'en est que plus belle.
Peu de chemins arrivent au Machu Picchu. L'un d'eux est probablement le plus dangereux : celui qui mène au pont de l'inca. Enfin, ce n'est pas un vrai pont, plutôt une planche placée au-dessus d'un gouffre, à flanc de falaise. Dans la vie quotidienne, les messagers qui parcouraient l'empire inca pouvaient l'emprunter pour arriver dans la ville. En cas de danger, la planche est poussée dans le vide et la ville devient inaccessible.
Le chemin qui mène au pont est vertigineux. D'un côté, une falaise abrupte. De l'autre côté, le vide. Pas de balustrade. De temps en temps, un petit muret, pas plus haut que le genou. Plusieurs centaines de mètres de paroi rocheuse tombent dans le Rio Urubamba situé au fond de la vallée. Vraiment impressionnant. Tellement vertigineux que les parents que nous sommes ne sont pas à l'aise. Edna agrippe la main de Catalina et Ludovic celle de Manuel. Il ne faut pas céder au vertige. Les enfants, eux n'ont pas trop l'air d'en souffrir...
Lorsque nous revenons à la ville, le ciel s'est dégagé. Entre les nuages, les rayons du soleil apparaissent. Nous découvrons le site sous un jour nouveau. Nous profitons d'une pause, allongés dans l'herbe, pour admirer ce qui est probablement l'une des sept merveilles du monde moderne. Encore un moment privilégié de notre voyage.
Nous descendons dans la partie urbaine du Machu Picchu. Le voyage est passionant ! Principalement grâce à notre guide, Julio, que nous avons trouvé à Aguas Calientes. Un peu par hasard et surtout grâce aux recherches d'Edna. Pendant plusieurs heures, Julio nous passionne avec ses anecdotes, ses faits, ses recherches... Quel bonheur de vivre cette visite avec lui. Il est aussi entièrement disponible et semble prendre du plaisir à nous voir intéressés par ces découvertes.
Il sera, pour toujours, le visage qu'on retient du Machu Picchu. Celui qui nous a tout appris sur cette cité : les mystères qu'on y a pas encore résolus, le lien des incas et la position des bâtiments avec la course du soleil et de la lune, la vie quotidienne au temps des Incas, l'agriculture, l'artisanat, la fonction de la ville (qui n'a jamais été terminée et qui pourrait être un lieu de villégiature de l'empereur inca), la fonction religieuse avec le Temple du Soleil, les Trois Fenêtres, les festivités aux solstices, le Temple du Condor, l'Intihuatana, la roche sacrée,etc.
Mais les compétences de Julio ne s'arrêtent pas à l'archéologie. Il aime aussi la photo. Il nous propose donc de prendre la pause, des angles prises de vues, des effets panoramiques à faire avec le téléphone... parfois très sympas, parfois un peu kitsch...
Cela fait près de 6 heures que nous parcourons le Machu Picchu. Bien plus que les 4 heures normalement autorisées. Ce n'est pas la seule entorse que nous faisons au règlement du site archéologique. Il faut savoir que le Machu Picchu n'a pas de toilettes. Nous avions pourtant pris nos précautions avant de rentrer. Mais il arrive un moment, après plusieurs heures, où Manuel a un besoin de plus en plus pressant. Que faire ? S'il sort, il ne peut plus revenir, ce serait dommage. On ne trouve pas de solution directement. Nous expliquons la situation à Julio qui, après réflexion, nous trouve une solution, à l'abri du regard des gardiens. L'endroit est fréquenté, mais Manuel arrive à se glisser entre deux blocs incas pour se soulager. En quelques minutes, l'affaire est réglée et Manuel retrouve le sourire. Il a réussi à rester discret. Probablement une des toilettes les plus insolites du monde !
Alors que le soleil commence à se coucher derrière le Machu Pichu, nous arrivons au bout de nos questions. Il est temps de rentrer. Nous reprenons le bus qui descend à Aguas Calientes. Julio nous conseille un restaurant au bord du Rio Urubamba. Le débit de la rivière est spectaculaire. Le bruit du torrent est infernal. Presque difficile de s'entendre parler.
Après le repas, alors que la nuit est tombée, nous prenons congé de notre guide et rejoignons la gare. Le train qui nous ramène à Ollantaytambo est le dernier de la journée. Peu de passagers à bord. A travers la nuit, à la lumière de son phare, il se fraye un chemin à travers les montagnes. Couchés sur les banquettes, nos paupières se font lourdes. La journée a été longue. Mais tellement riche en découvertes. Certains s'endorment, bercés par le roulis du wagon. Des images et des rêves plein la tête...