Une des raisons qui nous a amené à Capachica, ce sont les îles flottantes Uros. Nous avons entendu parler des Iles Uros que le tourisme de masse visite depuis Puno. Il y en a beaucoup et leur authenticité est remise en question. Certaines familles ne vivraient plus sur leur île et feraient la navette tous les jours depuis Puno. Pas vraiment ce qu'on recherche. Nous avons trouvé une alternative avec les îles Uros Titinos, qui sont plus éloignées de Puno et plus proches de la Péninsule de Capachica. La vie semble y être plus authentique.
Quand le bateau arrive en vue de la Réserva Nacional del Lago Titica, des toits se détachent de l'immense champ de roseaux. Cinq îles sont regroupées dans cette partie du lac. Georges, le chef de la communauté, qui compte 4 familles, nous accueille avec les enfants sur le bord d'une des îles flottantes.
Quel lieu unique ! Lorsque nous descendons du bateau, nos pieds s'enfoncent dans une couche épaisse de roseaux. Une table et une paillote sont dressées pour nous accueillir. Nous avons demandé de pouvoir dîner sur l’île. Le menu est similaire à celui de la veille, mais c'est une autre spécialité que nous goûtons aujourd'hui : la perche du Lac Titicaca. Un autre poisson non natif, mais délicieux ! Le luxe du menu, c'est la tranche de tomate, unique et préservée, une denrée précieuse sur le lac.
Nous découvrons aussi la 'Muña', une herbe infusée dont les propriétés se rapprochent de celles de la coca pour lutter contre le mal d'altitude.
Après le repas, Georges nous invite à nous asseoir pour nous expliquer les étapes de la fabrication d'une île flottante. La base de tout, c'est la 'totora'. Un roseau qui pousse sur les rives du lac, juste à côté des îles flottantes. C'est une réserve naturelle protégée que seuls les indiens uros peuvent exploiter.
Pour construire une île, des grands blocs de racines de roseaux sont découpés à la main puis assemblés en fonction de la taille de l'ile. Sur cette base, les totoras sont étalées, en couches alternées pour réaliser un plancher. Les maisons sont ensuite construites, toujours en roseaux, et posées sur un lit de totora. Avec le temps, les roseaux s'enfoncent dans l'eau. Toutes les 2 ou 3 semaines, il faut donc remettre une couche. Un travail sans fin, qui permet de rester à flots.
Le 'totora' sert également d'aliment. Ils l'ont surnommé la 'Banane des Uros' puisque son cœur, blanc, est consommé comme un fruit... aux vertus laxatives ! Le roseau est présent dans la construction des maisons, la fabrication des bateaux traditionnels, l'artisanat, etc.
Les indiens uros vivent de la pêche, de la chasse des oiseaux et de la récolte des oeufs dans la roseraie. L'artisanat vient compléter leurs revenus, avec la vente aux touristes de passage.
Les Uros consomment ce qu'ils chassent, cueillent et pêchent. Mais une partie de leur production est amenée sur les rives du lac. Ils se livrent alors au troc et ramènent des produits de la terre : du quinoa, du riz, de la pomme de terre et de la pomme de terre déshydratée, séchée pour une meilleure conservation.
La présentation est intéressante et très instructive. Nous ne manquons pas de questions tant le sujet nous passionne. Alberto, le beau-frère de Georges, nous invite dans sa maison, pour nous montrer comment ils vivent dans quelques mètre carrés, avec sa femme et ses enfants. La vie peut être rude sur le lac, avec des tempêtes et des températures très basses. Il nous propose ensuite l'artisanat de la communauté. Nous passons l'après-midi à profiter de l'atmosphère extraordinaire de l'île flottante.
Nous terminons la journée avec une sortie en bateau traditionnel. Même s'il est entièrement construit en roseaux, Georges nous explique que le cœur du bateau est composé de bouteilles en plastique. Cela améliore la flottabilité, bien sûr, mais cela permet aussi de recycler les dizaines de bouteilles qu'ils ont retrouvées sur le lac. Aucun endroit sur terre n'est épargné par le fléau du plastique... La cueillette du totora se fait à la main. Georges nous explique la technique ancestrale.
Il est déjà temps de quitter l’île des Uros. Un moment magique, comme suspendu dans le temps. Quelle chance nous avons de rencontrer des gens qui ont choisi un mode de vie unique. Une vie dure et éprouvante, qui résiste aux tentations de la vie citadine de Puno. Les indiens Uros Titinos n'ont pas choisi la facilité. Mais ils sont fiers de leur culture et ils travaillent tous les jours pour la maintenir et la faire connaitre. Pour que celle-ci continue d'exister.
Derrière les montagnes des Andes, le soleil commence à se coucher sur le Lac Titicaca. Sur le toit du bateau qui nous ramène à Llachon, les yeux rivés vers l'horizon de cet immense lac, Santiago, Mateo et Manuel partagent avec Ludovic leurs impressions sur cette rencontre qui les a marqué. Un moment inoubliable qui reste, pour toujours, dans nos mémoires.