La Ruta 5 est la plus longue route du Chili. Elle traverse le pays sur près de 3.500 kilomètres. Elle est à l'origine de la fameuse panaméricaine, qui traverse le continent du Sud au Nord. Pour les argentins, la Panaméricaine commence dans le Parque nacional Tierra del Fuego, où nous étions il y a quelques semaines. Pour les Chiliens, elle débute sur l’île de Chiloé, où nous étions il y a quelques jours. C'est une des meilleures routes que nous ayons rencontré en Amérique du Sud. Elle est payante, asphaltée sur toute sa longueur, avec une majorité de tronçons à double bandes de chaque côté.
On y retrouve les paysages du Chili. Avec le Sud, montagneux, boisé et volcanique. Et le Nord, désertique et vallonné. C'est le nord de la route qui nous marque le plus. Pendant près de 2.000 kilomètres, sous un soleil de plomb et avec pratiquement aucune escale, nous remontons cette colonne vertébrale qui traverse le désert de l'Atacama.
Nous arrivons dans la région minière du Chili, d'où sont extraits les métaux précieux exportés dans le monde entier. C'est ici, à Copiapo, que 33 mineurs ont survécus à un éboulement il y a une dizaine d'années. Il a fallu 2 mois aux sauveteurs pour forer un puits qui a permis de remonter les rescapés à l'aide d'une capsule digne de Jules Verne. Un sauvetage qui a tenu en haleine le Chili, et la planète entière, pendant plusieurs semaines.
Nous aurions voulu visiter la mine de Chuquimata, la plus grande mine de cuivre à ciel ouvert au monde. Mais les protestations et les grèves en cours dans le pays ont rendu la visite impossible. Sur la Ruta 5, nous traversons les villages miniers, remplis d'industries, de poussières et de camions au milieu du désert. Ils sont impressionnants.
Sur la route, nous croisons un immense camion destiné à l'extraction des mines. Un engin imposant, surdimensionné, organisé en convoi exceptionnel qu'on ne peut pas dépasser car il prend presque toute la largeur de la route. Les voitures qui viennent en sens inverse sont invitées à se garer sur le bas-côté à son passage. Nous le suivons pendant des kilomètres, sans pouvoir le dépasser. Ce n'est que dans une longue ligne droite, avec un accotement assez stable pour qu'il puisse se déporter, que la voiture de sécurité nous donne le feu vert. Ludovic lance le Concorde dans une manœuvre de dépassement, les yeux rivés sur l'horizon et le bout de la route. En quelques secondes, il arrive à remonter le convoi lancé à pleine vitesse. Les roues du camion sont gigantesques. Elles dépassent presque le toit du Concorde, à près de 3 mètres de hauteur. Il faut encore plusieurs centaines de mètres pour pouvoir se rabattre. Le camion minier n'est maintenant plus qu'un point qui rétrécit dans le rétroviseur. Une manœuvre inoubliable.
Au milieu du désert d'Atacama, le long de la route, nous sommes parfois surpris par un oasis. Quillaga en fait partie. Au détour de la route, au creux d'un vallée, une forêt verdoyante fait son apparition. Au milieu de l'oasis, un minuscule village, au bord d'une rivière. Quand on arrive sur la place du village, on ne passe pas inaperçu. Quelques villageois, qui profitent de la fraîcheur de la fin de journée, nous interpellent. Ils nous indiquent un endroit pour passer la nuit, juste à côté de la plaine de jeux. Parfait pour nous. On adore cela. Une place de village qui s'endort, calme et reposante, loin du tourisme, de la circulation et de l'agitation. Une chouette soirée, passée sur un banc de la place, à sentir l'atmosphère d'un village du Nord du Chili.
La Ruta 5 est rectiligne. Peu de virages, des montées ou des descentes raisonnables. Mais il y a des exceptions à cela, qui imposent de rester vigilant à chaque instant. La Cuesta Chiza fait partie de ces exceptions. C'est une côte gigantesque, comme on n'en connait pas en Europe. Plusieurs dizaines de kilomètres de descente, à un pourcentage important. Sur toute sa longueur, plusieurs voies de secours permettent aux véhicules en difficulté de se freiner dans un immense bac à graviers. La montagne qu'on descend est impressionnante. La route qui longe son versant plonge vers une vallée dont on ne voit pas le fond.
Dans une telle descente, les freins ne servent à rien. Ils seraient brûlés après quelques kilomètres, comme cela nous est arrivé à Tupiza, en Bolivie. Il faut donc jouer du frein moteur uniquement. Le Concorde arrive sans encombre au bas de la descente. Certains disent que c'est grâce au pilote du Concorde qui a acquis une expérience indéniable depuis le début du voyage et qui, à présent, gère le frein moteur comme personne. Peut-être... D'autres disent que ce sont les ingénieurs chiliens qui ont bien calculé la pente de la route. Peut-être aussi... La vérité doit être quelque part entre les deux !
En bas de la côte, nous sommes accueillis par les Pétroglyphes de Chiza. Des formes dessinées sur le flanc de la montagne il y a plusieurs centaines d'années. Nous passons la nuit en bord de route, dans une petite communauté. Nous discutons avec les enfants qui jouent sur la place du village. C'est toujours un bonheur de savoir comment ils vivent. C'est aussi incroyable de pouvoir leur expliquer notre voyage. Eux qui, parfois, n'ont jamais visité la capitale de leur propre pays...