C'est, sans aucun doute, la pompe à essence la plus accueillante de toute l'Amérique ! Voire du Monde ! La pompe à essence de Pueblo Seco, un petit village perdu au milieu de la campagne chilienne, restera une de nos plus belles rencontres au Chili.
L'histoire de la station-service commence il y a quelques dizaines d'années, lorsque Paul, citoyen belge, débarque au Chili pour y implanter la chicorée. Travaillant pour le compte d'une société belge, sa venue au Chili a un objectif précis : développer la culture de la chicorée dans la région de Pueblo Seco. Un an plus tard, les résultats ne sont pas à la hauteur et le projet est abandonné. Mais Paul ne retourne pas en Europe.
Il s'installe à Pueblo Seco, rencontre Barbara, sa future épouse, et ils décident de racheter la pompe à essence du village. Comme tout entrepreneur, les débuts sont compliqués, avec des journées interminables et de nombreuses heures de labeur journalier. Mais petit à petit, l'entreprise se développe et se diversifie dans le transport de carburant. Un, puis deux camions sillonnent les routes du Chili pour livrer la pompe de Pueblo Seco et les clients devenus fidèles. La concurrence est pourtant rude avec les grands groupes pétroliers, leurs prix planchers et leur réseau de distribution tentaculaire. Mais la petite pompe HPB survit, grâce à une politique des prix juste et aux machines agricoles qui constituent la majorité de sa clientèle en période de récolte. Aujourd'hui, Paul a acquis une deuxième station service à San Nicolas, à quelques dizaines de kilomètres de Pueblo Seco.
Mais si le fonctionnement d'une station service est passionnant, ce n'est pas ce qui nous a attiré à Pueblo Seco. A vrai dire, le village ne se situe pas vraiment sur une route touristique et nous n'aurions jamais pensé nous y arrêter. Mais il se trouve que Paul, c'est le cousin de Bernard. Bernard, c'est le Papa de Maxime. Maxime, c'est, depuis les maternelles, le copain de Santiago. La boucle est bouclée ! Bernard nous a donné les coordonnées de son cousin. Au cas où...
On a donc pris contact quelques jours avant d'arriver à Pueblo Seco. On s'est dit qu'on allait passer dire un petit bonjour. On est finalement resté 4 jours ! L'accueil a bien commencé, avec une Maredsous et une Kriek ! Des bières belges au milieu du Chili, on n'en espérait pas autant ! Un régal après des mois d'abstinence.
Et puis il y a eu le porc au barbecue. Sans rire, le meilleur porc qu'on ait dégusté. Cuit de manière lente dans un barbecue-four à bois, il est simplement parfait : juteux, caramélisé, plein de saveurs... un délice ! Le tout accompagné d'un vin chilien, évidement. Il n'en fallait pas plus pour réunir tout le monde autour d'une gigantesque tablée... Un moment de bonheur.
Pendant 4 jours, on se sent en famille à Pueblo Seco. Cela fait du bien de se poser quelques jours, de reprendre des forces avant de continuer notre périple, de passer une vie normale et sédentaire, sans itinéraire à planifier, sans visite à organiser, sans endroit pour dormir à chercher. On savoure les petits déjeuners et les devoirs en famille, les courses à Chillan, les après-midis à la piscine en compagnie de Joaquin, Luciano, Sofia et Laura.
Mais le plus savoureux, le plus authentique, le plus émouvant et le plus grand bonheur, c'est de retrouver un accent liégeois bien de chez nous. Un retour direct à notre plat pays. Le plus beau moment, c’est d'entendre un "Oufti, que huevon !", un mélange subtil de liégeois et de sudaméricain. Il est sorti de la bouche de Paul, sur la route qui nous ramène de Chillan, alors qu'un chauffeur chilien risque l'accident lors d'un dépassement. Du liégeois 'oufti' (qui marque la surprise, la peur, l'étonnement... du style "ouh la la", "mon dieu" !) et du chilien "que huevon" (quel imbécile !).
C'est un autre accent liégeois que nous rencontrons à El Carmen, un village à côté de Pueblo Seco. Alan est arrivé au Chili en même temps que Paul, et il travaille aujourd'hui avec Miguel dans un garage pour machines agricoles (dont des machines belges, dont la renommée n'est apparemment plus à faire...). Pendant un après-midi, alors qu'Alan renforce le support du préfiltre à diesel que nous avons dû démonter sur la Carretera australe, nous discutons avec Miguel, qui nous donne son point de vue sur son pays, son histoire et sur l'Amérique du Sud.
Un moment de bonne humeur et de partage enrichissant. Finalement, le filtre est à nouveau opérationnel. Il ne lui manque plus qu'un petit coup de peinture, mais il est à nouveau prêt à affronter des carburants de mauvaise qualité, ce qui risque d'être nécessaire au Pérou ou en Equateur.
Nous ne pouvions quitter Pueblo Seco sans préparer un monument de la gastronomie belge : le moules-frites. Mais attention, pas n'importe quel moules-frites ! Une version belgo-chilienne qui, en plus des traditionnelles moules et des croustillantes frites, propose aussi des palourdes, des saucisses fumées de Chillan et des côtelettes ! Un sacrilège pour les belges ? Si la combinaison peut surprendre, elle est néanmoins délicieuse et ajoute une touche terre-mer à ce plat traditionnel. Surprenant mais délicieux ! On s'est régalé !