Imaginez un désert de sel de plusieurs centaines de kilomètres de long et de dizaines de kilomètres de large. Une étendue blanche, à perte de vue. Rien pour accrocher le regard. Un ciel bleu azur. Un soleil qui frappe fort. Une couche de sel de plusieurs mètres d'épaisseur. Tellement épaisse qu'on peut y rouler. Ici, pas de route, pas de chemin, pas de piste. Juste des traces, qui indiquent une direction par où aller. De temps en temps, une île surgit du désert pour nous rappeler qu'il y a plusieurs millions d'années, ici, c'était l"océan. L'eau est partie, mais le sel est resté. Un sel qui craque sous les pas, un sel qui pique les yeux, un sel qui aveugle par sa blancheur, un sel qui ronge les métaux...
Nous sommes sur le plus grand salar du monde : le mythique Salar d'Uyuni ! Un univers paradisiaque et hostile en même temps. Il ressemble à 'idée que l'on se fait du paradis, avec une étendue blanche infinie et un ciel bleu. Il peut aussi se transformer en enfer : une panne mécanique, un manque d'eau peuvent se transformer en calvaire.
Notre parcours commence par le monument commémorant le passage du Dakar sur le salar. Il est tellement moche qu'on ne l'a même pas pris en photo. A quelques mètres de là, nous nous arrêtons à la Isla de Banderas (l'ile aux drapeaux) et l'hôtel de sel. D'un coté, l’île aux drapeaux regroupe des dizaines de drapeaux qui flottent sous un vent soutenu. Une chouette ambiance de couleurs et de formes, rythmé par le bruit des tissus dans le vent. Il manque néanmoins le drapeau belge et le drapeau liechtensteinois. Nous posons donc devant les drapeaux européens et colombiens.
De l'autre côté, l'hôtel de sel est construit avec des blocs de sel découpés dans le salar. Il sert de refuge aux nombreux touristes qui ont choisi une agence pour découvrir le Salar d'Uyuni. Devant la porte, des dizaines de 4x4 sont alignés, tandis que dans la salle commune, les touristes affamés partagent un repas.
Malgré le monde, l'hôtel de sel a un certain charme. Nous décidons néanmoins de nous en éloigner pour quitter cette effervescence et retrouver du calme.
Et c'est vrai qu'ici, il y en a du calme ! Et de l'espace aussi. Nous parcourons plusieurs dizaines de kilomètres, un œil distraitement dirigé vers le GPS, pour être sûr qu'on est dans la bonne direction. La sensation de liberté est grisante. Déconcertante aussi. Pas de panneau à suivre, pas de chemin à trouver. Faut-il aller un peu plus à gauche ? Ou un peu plus à droite ? Finalement qu'importe ! Il faudra un moment pour lâcher prise et se fier à son instinct : on va tout droit. Rien de plus. Quelle importance si on est quelques kilomètres plus à gauche ou quelques kilomètres plus à droite...
Après quelques dizaines de kilomètres, on s'arrête pour la pause de midi. Pourquoi ici, et pas dix kilomètres avant ou dix kilomètres après ? Bein, parce que cela ne change rien. Ici, tout est pareil !
On déplie les tables et les chaises pour un pique-nique au milieu de nulle part. De temps un temps, un 4x4 passe au loin. En dehors de cela, c'est un calme impressionnant : pas un son, pas un bruit. Rares sont les endroits au monde où le silence est aussi présent. On n'y est plus habitué.
Nous profitons du soleil et du ciel bleu. Il y a comme une ambiance de sport d'hiver, la neige en moins et le sel en plus. Après un temps, on reprend la route en direction de l'ile d'Incahuasi, où nous voulons nous abriter pour la nuit et assister au coucher et au lever du soleil. Au loin, le sommet de l'île commence à apparaître. La direction est plus évidente à suivre.
Pour la première fois depuis le début du voyage, Ludovic laisse son volant dans les mains de... Catalina, puis Manuel, qui viennent s'installer sur ses genoux. Ensuite Santiago, qui s'assied seul dans le fauteuil du chauffeur. Embrayage, passage de vitesse, accélération, frein.... les rudiments sont là et la sensation est grisante. Pour Mateo aussi, la conduite des 6 tonnes du Concorde provoque sont lot de sensations, un oreiller en plus dans le dos, pour qu'il atteigne le volant et les pédales.
Après la séance de conduite, l’île d'Incahuasi est en vue et le soleil tombe déjà derrière l'horizon. Nous sommes aux premières loges pour assister au coucher de soleil, entourés des roches volcaniques et des cactus de l’île. Le moment est magique. C'est certainement un des plus beaux endroits sur terre. Celui qui nous procure des émotions nouvelles.
La nuit est plus superbe encore. D'un bout à l'autre de l'horizon, aussi loin que porte le regard dans le ciel, il y a des étoiles. Jamais nous n'avions vu autant d'étoiles dans le ciel. A des dizaines de kilomètres du moindre éclairage. Le froid et le vent sont aussi bien présents, malgré l’île qui nous protège.
Nous nous endormons dans le plus bel endroit qui soit. Seuls au milieu du Salar. Le soir, tous les tour operateurs sont retournés dans les hôtels qui bordent le Salar. Il ne reste plus que nous, et nos voisins qui, comme nous, sont venus s'abriter près de l'île Incahuasi : un 4x4 italien, une camionnette suisse, et les deux camions allemands que nous avons retrouvés après notre rencontre au camping de Sucre. C'est le plus grand et le plus beau bivouac du monde